Qu’est-ce qu’une vente par licitation ?

La vente par licitation est la vente aux enchères publiques d’un ou des biens, meubles ou immeubles, pour sortir d’une indivision. Elle peut se faire dans le cadre d’une succession ou après divorce. Elle répond à des règles juridiques strictes, dont on va voir les détails dans cet article. Mais avant d’entrer dans le vif du sujet, il importe de souligner ce qu’est l’indivision pour savoir la nécessité de recourir à une vente par licitation.

Qu’est-ce que l’indivision ?

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Il y a indivision quand plusieurs personnes ont des droits de même nature sur un bien ou une masse de biens. Les héritiers d’un ou plusieurs biens suite à la mort d’un parent générant sont en indivision. Ils sont donc appelés « coindivisaires ». Chacun d’entre eux dispose d’une quote-part sur le bien indivis. En d’autres termes, chaque coindivisaire possède une fraction abstraite sur le bien concerné. Jusqu’à la fin de l’indivision, ce dernier appartient à tous les coindivisaires, et ils sont tenus de le gérer ensemble.

La loi encadre la gestion des biens indivis, notamment en ce qui concerne la prise des décisions.

  • Les actes conservatoires

Les actes conservatoires sont des actes juridiques ou matériels visant à éviter la perte d’un bien indivis. Il peut s’agir, par exemple, de la souscription d’un contrat de bail ou d’assurance, une action en revendication, …

Selon la législation française : « Tout indivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis, même si elles ne présentent pas un caractère d’urgence ». Un indivisaire seul peut donc accomplir un acte conservatoire, mais celui-ci engage tous les indivisaires.

Il se peut que l’accomplissement de l’acte nécessite un financement. Celui qui le fait a le droit d’utiliser les fonds de l’indivision. Si ceux-ci sont insuffisants, il peut obliger les autres coindivisaires à payer, à condition que les dépenses soient proportionnées et raisonnables à la valeur du bien qui fait l’objet de l’acte.

  • Les actes requérant la majorité des indivisaires

Le Code civil, dans son article 815-3, prévoit que les indivisaires justifiant d’une majorité d’au moins 2/3 des droits indivis peuvent accomplir les actes classés de moins graves, à savoir :

  • Les actes d’administration relatifs au bien indivis
  • La vente des meubles indivis pour le paiement des charges et des dettes de l’indivision
  • Donner à un/des indivisaires un mandat général d’administration
  • Renouveler et conclure un bail autre que ce sur un immeuble à usage industriel, commercial, agricole ou artisanal.

Cependant, ils doivent obligatoirement informer les autres indivisaires, sinon l’acte sera inopposable à ces derniers. Ils n’ont, toutefois, pas besoin de requérir la majorité des 2/3 s’ils accomplissent un acte d’administration au vu et au sus des autres indivisaires en parfaite connaissance de celui-ci. Dans ce cas, on considère qu’ils ont reçu un mandat tacite. Il est à noter que ce principe ne s’applique pas aux actes de disposition des meubles indivis qui nécessitent la majorité des 2/3.

  • Les actes demandant l’unanimité

Ce sont les actes graves. Il s’agit de tous les actes de disposition, à part la vente des biens meubles. En d’autres termes, pour la vente des biens immobiliers indivis, le consentement unanime des coindivisaires est utile. Sont également qualifiés d’actes graves, les actes ne rentrant pas dans le cadre de l’exploitation normale du bien concerné, c’est-à-dire ceux qui pourraient compromettre la substance du bien. Le non-respect de ce principe entraîne l’inopposabilité de l’acte aux autres indivisaires.

Il existe, toutefois, une exception à ce principe. S’il est difficile ou impossible d’obtenir le consentement d’un indivisaire, alors que cela met en péril l’intérêt commun, les autres coindivisaires peuvent demander l’autorisation du juge. Il se peut par exemple qu’un coindivisaire ne consent pas la vente d’un bien indivis sans raison valable. Dans ce cas, les autres coindivisaires peuvent solliciter l’intervention du juge à cette fin. Si le juge donne une autorisation, l’acte sera quand même opposable au coindivisaire qui s’y était opposé. Le tribunal peut aussi intervenir au cas où l’un des indivisaires n’est pas apte à manifester sa volonté (cas des aliénés). Un indivisaire peut lui demander une habilitation à représenter ce dernier.

Bref, tous les indivisaires doivent respecter la destination du bien. Chacun d’entre eux ont un droit de jouissance et d’usage du bien. Pour éviter les éventuels litiges, il est indispensable de rédiger une convention constituant les droits et les obligations de chacun.

  • La convention d’indivision

Cet acte peut durer dans le temps, tout comme il peut ne pas l’être. Si sa durée est déterminée, celle-ci ne doit pas excéder 5 ans. Aucun partage ne peut se faire avant l’arrivée du terme, sauf s’il y a des justes motifs. Cependant, la convention d’indivision est renouvelable par le consentement exprès des parties, ou bien par tacite reconduction si la convention d’indivision le stipule.

Les coindivisaires doivent impérativement faire appel à un  notaire pour son établissement.

La gestion d’un bien indivis n’est pas toujours facile. Elle est souvent à l’origine des conflits entre les héritiers. Il existe quelques solutions pour mettre fin à cette situation d’indivision.

La vente par licitation : un processus de sortie de l’indivision

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Selon l’article 815 du Code civil : « Nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision, et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu’il n’y ait été sursis par jugement ou convention ». D’ailleurs, l’indivision doit être une situation temporaire et précaire, jusqu’au partage. Tout coindivisaire peut donc sortir de l’indivision, sans qu’il ait besoin de motiver cette décision. Il peut le faire, soit à l’arrivée du terme de la convention, soit à tout moment s’il n’y a pas de convention, ou qu’il y en a mais que celle-ci est à durée indéterminée. Il existe plusieurs façons de mettre fin à l’indivision :

  • La vente de sa quote-part

Le principe est que chaque indivisaire a un droit exclusif sur sa quote-part. Il peut ainsi la vendre, la grever d’une sûreté ou la nantir.

S’il vend sa quote-part, il sera sorti de l’indivision et la personne qui a acheté celle-ci prendra sa place. Autrement dit, les droits du coindivisaire sur sa quote-part seront cédés à l’acheteur.

Il est très important de savoir que les autres indivisaires possèdent un droit de préemption, c’est-à-dire un droit de priorité pour le rachat de la quote-part du coindivisaire qui veut sortir de l’indivision. Ce dernier doit donc d’abord proposer le rachat de ses droits indivis aux autres coindivisaires. C’est seulement si les autres membres de l’indivision ne sont pas intéressés par l’offre qu’il pourra céder sa quote-part à un tiers.

En pratique, l’indivisaire doit signifier aux autres coindivisaires, par un acte d’huissier, sa volonté de vendre sa quote-part à un tiers. Il doit mettre dans cet acte l’identité, ainsi que l’adresse de l’acquéreur. Les autres coindivisaires ont un mois, à compter du jour de la réception de l’acte, pour l’exercice de leur droit de préemption. Passé ce délai, le coindivisaire peut procéder à la cession de sa quote-part à la personne de son choix.

Cette règle a été mise en place (le droit de préemption) pour éviter qu’il y ait une tierce personne dans l’indivision familiale.

  • La vente du bien indivis

Si les indivisaires sont tous d’accord, ils peuvent vendre le bien indivis et se partager les fruits de la vente.

La vente est aussi possible si un ou plusieurs coindivisaires détenant 2/3 des droits indivis l’ont demandé au juge et que celui-ci l’a autorisé. C’est ce qui est prévu par le Code civil dans son article 815-5-1. En principe, le juge donne l’autorisation si cet acte ne porte pas atteinte aux droits des autres coindivisaires.

Le partage du bien

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Ce partage peut se faire de 2 manières, à l’amiable, de façon judiciaire :

  • Le partage amiable

Dans ce cas, chaque indivisaire obtient sa part des biens selon ce qui a été convenu. C’est la solution la plus simple pour mettre fin à l’indivision. Cependant, il requiert le consentement préalable de tous les membres de l’indivision.

  • Qui peut demander le partage amiable ?

Tous les indivisaires peuvent le demander. Si l’un d’eux n’envoie pas sa réponse, les autres doivent lui envoyer une notification, par acte d’huissier, qu’il doit être représenté au moment du partage. Si le coindivisaire passif ne peut pas y assister, il peut désigner un mandataire pour le représenter.

Avant l’acte officiel de partage, certains héritiers ont le droit de réclamer en priorité des biens du défunt. C’est ce qu’on appelle « attribution préférentielle ». Celle-ci concerne notamment le conjoint survivant qui a le droit de réclamer la maison habitée et les meubles du logement.

  • Partage amiable : est-il nécessaire d’appeler un notaire ?

Si le partage porte sur un bien immobilier, les indivisaires doivent impérativement faire appel à un notaire. L’article 835 du Code civil prévoit en effet que : « Lorsque l’indivision porte sur des biens soumis à la publicité foncière, l’acte de partage est passé par acte notarié. » Le notaire est le seul habilité à établir un acte de partage, ainsi qu’une attestation de propriété immobilière.

  • Le partage judiciaire

Les héritiers indivisaires ont recours à ce mode de sortie de l’indivision quand ils n’arrivent pas à s’entendre sur le partage des biens indivis. Pour ce faire, ils doivent saisir le Tribunal de grande instance du dernier domicile du défunt, qui est le lieu d’ouverture de la succession. Le juge va alors décider, soit du partage des biens, soit de la vente par licitation de ceux-ci.

  • La décision de partage des biens par le juge

Le partage peut être facile, comme il peut être complexe. Si la situation est facile à dénouer, c’est le juge lui-même qui prend en charge le partage des biens. Cependant, il doit faire appel à un notaire pour établir l’acte officiel de partage. Si la situation est plus complexe, le juge propose aux coindivisaires le partage des biens. L’officier public fait après un projet de partage. Puis, il soumet celui-ci aux héritiers indivisaires dans un délai d’un an. Si ces derniers sont d’accord avec les propositions, l’acte de partage sera établi. Sinon, la vente par licitation des biens concernés peut être demandée.

Il est à noter que si un indivisaire est insatisfait de la décision de justice sur le partage des biens indivis, il peut remettre le partage judiciaire en cause. S’il considère que son accord lui a été extorqué illégalement ou qu’il a été oublié, il a le droit de demander l’annulation du partage des biens dans un délai de 5 ans. S’il considère que la part qu’il a reçue est inférieure à ce qui a été convenu, il peut solliciter un complément de part. Ce recours peut être intenté dans un délai de 2 ans.

La vente par licitation des biens indivis

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En principe, la demande de licitation est un droit de chacun des indivisaires. Cependant, il existe ce qu’on appelle « licitation-oblique » qui fait exception à cette règle. Selon l’article 1341-1 du Code civil : « lorsque la carence du débiteur dans l’exercice de ses droits et actions à caractère patrimonial compromet les droits de son créancier, celui-ci peut les exercer pour le compte de son débiteur, à l’exception de ceux qui sont exclusivement rattachés à sa personne ».

La loi donne donc au créancier d’un des indivisaires le droit de demander la licitation des biens indivis par voie oblique dans le but de se faire payer ses dettes. C’est la licitation-oblique. Si les indivisaires ne veulent pas sortir de l’indivision, ils devront payer au nom de l’indivisaire débiteur. Ils seront, par la suite, remboursés en prenant ce qui leur est dû sur les biens indivis.

  • La procédure de la vente par licitation

La demande de la vente par licitation se fait par assignation devant le Tribunal de grande instance. Dans le cadre d’une succession, le tribunal compétent est celui du dernier domicile du défunt. L’assignation doit constituer, sous peine d’irrecevabilité:

  • L’intention du demandeur concernant la répartition des biens
  • Des informations sur la consistance de la masse de biens à partager
  • Les diligences faites pour un partage amiable

Le tribunal ordonne la vente aux enchères publiques si les biens ne peuvent pas être partagés en toute facilité (article 1377 du Code de procédure civil). C’est le cas, par exemple, si le partage cause la dépréciation des immeubles. Il en est de même si la division rend l’exploitation mal aisée et onéreuse. Donc, en dehors de ces cas, le tribunal préfère opter pour le partage des biens. La licitation a pour objectif de faciliter le partage des biens indivis, tout en préservant les intérêts des coindivisaires.

  • La procédure préalable à la vente aux enchères

La vente par licitation est ordonnée, le juge détermine la mise à prix du/des biens, ainsi que les conditions de la vente. Il désigne ensuite un avocat qui sera chargé du dépôt du cahier des charges. Avant la fixation de la date de l’adjudication, les membres de l’indivision seront sommés de consulter ce cahier. Puis, un huissier de justice dresse un procès-verbal sur la description du bien. Il organise aussi les visites.

Un mois avant l’adjudication, les indivisaires peuvent se substituer à l’acquéreur par déclaration au greffe, en vertu de leur droit de préemption.

  • Le déroulement de la vente par licitation

Tout d’abord, il convient de noter que certaines catégories de personnes ne peuvent pas participer à la vente par licitation. C’est le cas des majeurs protégés et des mineurs non émancipés. Ne peuvent pas également se porter enchérisseurs, selon l’article R.322-39 du Code des procédures civiles d’exécution, les magistrats de la juridiction saisie et les auxiliaires de justice intervenus dans la procédure.

Pour le déroulement de la licitation, puisque cette vente est soumise au droit commun de la saisie immobilière, elle obéit aux mêmes règles concernant le fonctionnement des enchères. Chaque enchérisseur doit présenter une carte d’identité, un chèque de banque utile pour la consignation, et un justificatif de domicile.

Après présentation de ces documents, il recevra un badge numéroté pour qu’on puisse l’identifier durant les enchères. Le bien indivis sera adjugé au plus offrant. L’adjudicataire signera, après, l’acte de vente. Quant  aux autres enchérisseurs, ils récupéreront leur chèque de consignation.

  • Après la vente par licitation

Il est toujours possible de surenchérir, c’est-à-dire proposer un prix supérieur à ce auquel le bien indivis a été vendu, dans un délai de 10 jours après l’adjudication. S’il n’y a aucune surenchère durant ce temps, l’adjudicataire pourra consigner le prix au notaire.

Ce dernier procédera alors à la liquidation et aux opérations de compte. Il devra aussi prendre en considération les procédures que les créanciers ont engagées, puisque la vente par licitation n’entraîne pas la purge des inscriptions. Une fois les comptes finis, il partage aux indivisaires la somme récoltée, selon les droits que possédait chacun des copartageants dans l’indivision.

Il est possible que la vente aux enchères ne concerne qu’une partie des biens indivis. Dans ce cas, les indivisaires resteront en indivision sur les autres biens.

  • Les frais d’une vente par licitation

La plupart du temps, ces frais correspondent aux émoluments de notaire. Ceux-ci sont réglementés. Ils sont calculés selon la somme totale des biens indivis faisant l’objet d’une licitation. Si la valeur de ces biens est inférieure à 6500 €, les coindivisaires devront dépenser 5% hors TVA de la somme pour le frais de notaire. Si, par contre, les biens indivis ont une valeur excédant 60000 €, les émoluments de notaire correspondront à 1,03125 % de la somme.

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